La Bête (du Gévaudan), une exposition de Gérard Lattier à Maison Rouge, Musée des vallées cévenoles

Cette « Carte blanche à Oraterra » a été publiée dans l’édition du 5 novembre 2022 de Cévennes Magazines.

D’une Bête à l’autre : l’huître et la perle

Dans une de ses lettres à Louise Colet, l’écrivain Gustave Flaubert utilisa un jour l’image de l’huître et de sa perle pour expliquer le moteur de certaines créations artistiques : de même que la perle est le pansement de nacre créé par l’huître pour adoucir un grain de sable intrusif dont les aspérités la blessent, de même l’artiste se sert de son œuvre pour évoquer une expérience – ou une sensibilité au monde – particulièrement douloureuse.

Même s’il y a peu d’huîtres en Cévennes, c’est cette image qui s’impose au contact des 42 peintures exposées à Maison-Rouge jusqu’au 31 décembre 2022 que Gérard Lattier a réalisées entre 1989 et 1993 sur l’Histoire de la Bête du Gévaudan. Deux objets sont également exposés : le fusil qui aurait tué la Bête et un collier de chien contre les attaques de loup.

Gérard Lattier, peintre marqué par la guerre

Né à Nîmes en 1937 et d’origine ardéchoise, Gérard Lattier est marqué très jeune, à l’âge de sept ans, par la mort de son père en 1944 lors du bombardement de Nîmes par les Alliés. Le jeune garçon en garde une aversion pour la guerre dont son refus de participer à la guerre d’Algérie sera l’une des conséquences : il se fait interner en 1958, à 21 ans, dans un hôpital psychiatrique militaire de Marseille où il commence à peindre.

Dès sa jeunesse donc la peinture est cet exutoire qui lui permet de donner forme aux visions cauchemardesques qui le hantent. Mais l’année 1965 et la rencontre avec sa femme Annie marque un virage tant personnel qu’artistique : sa peinture devient narrative jusqu’à évoquer même parfois l’univers de la bande-dessinée.

La Bête, une exposition chronologique

C’est d’ailleurs à la manière d’une bande dessinée que cette exposition suit chronologiquement, tableau après tableau, la traque de cette Bête redoutable qui, entre juin 1764 et juin 1767, a sévi dans le Gévaudan – la Lozère et l’Ardèche actuelles – en s’attaquant aux habitants.

Les rumeurs se répandent alors dans le pays au sujet de cette Bête et de ses attributs tour à tour humains, animaux – le plus souvent dérivés du loup. Des troupes royales, des louvetiers ou encore des envoyés du roi Louis XV sont missionnés en Gévaudan pour tuer la bête féroce, mais malgré ces chasses à répétition, la Bête continue de sévir. C’est finalement Jean Chastel, un chasseur du pays, qui vient à bout de la Bête, pense-t-on, puisqu’après qu’il ait tué un gros loup plus aucune autre attaque imputable à la Bête ne sera signalée dans la région.

Un conte pour (grands) enfants

C’est cette aventure que racontent les tableaux légendés de Gérard Lattier. Sur ses œuvres se mêlent une forme de naïveté dans le dessin et une vivacité des couleurs qui rappellent l’univers du conte pour enfants. Puis soudain un détail cru et explicite vous fait basculer dans l’horreur de la Bête, comme pour évoquer par cette coexistence de la candeur et de l’horreur les traumatismes de Gérard Lattier enfant pendant les bombardements de la guerre 39-45.

Autre originalité, l’exposition se clôt par un vote : chacun peut choisir parmi les propositions de l’artiste (toujours sous forme de tableaux) ce qui se cache derrière cette Bête !

Rendez-vous donc à Maison-Rouge, Musée des Vallées cévenoles de Saint-Jean-du-Gard jusqu’au 31 décembre, et ne ratez pas non plus les rendez-vous qui la concernent :

• Dimanche 27 novembre : conférences autour du loup à partir de 14h, « La Bête des Cévennes et la Bête du Gévaudan, une lumineuse comparaison » avec Jean-Paul Chabrol et Pierre Laurence.
• Samedi 17 décembre de 14h à 16 h : Croque-musée « Autour de la cheminée ». Mehrake Ghodsi, artiste peintre et professeur de dessin, vous initiera à l’art du croquis.

Présentation de l’exposition en vidéo